À la radio un poète affirmait
qu’il n’y a pas de souffrance.
Mon amie de quatre-vingt-un ans et moi l’écoutions, admiratifs, inquiets
puis nous avons parlé de la mort
comme si de la souffrance à la mort il n’y avait
qu’un petit saut de puce dans l’esprit.
La puce n’arrêtait pas de sauter
alors nous avons aussi évoqué
le beau soleil d’hiver, blanc
qui nous éclaboussait
par la fenêtre donnant sur le square
désert.
Paysage intérieur : désert.
Un homme seul hurle vers les étoiles
nuit et jour, jour ou nuit
on ne sait plus, étoiles, détails
seule la solitude est donnée.
Paysage intérieur : neige et reflets bleutés
flocons et stries
le vent dessine ce qu’il veut.
Paysage présent : l’appartement de mon amie
avec toutes ses affaires
assemblées sur les tables
ou sur le sol, par tailles —
le don du solitaire est d’ordonner.
Elle avait mis son manteau à l’envers
et elle écoutait la radio
tendant l’oreille vers l’étoile
la plus audible
et l’étoile, froide et bleue
disait
la souffrance
la souffrance n’existe pas
il n’y a
pas de souffrance
il n’y a pas d’étoiles
je parle mais je
n’existe pas
je t’ai donné la solitude et voilà ce que tu en as fait :
une extrémité.
Paysage absent : l’eau, le large, le lointain.
Assis comme nous l’étions, nous ne voyions que le square
pas la rue
mon amie
ne sort plus de chez elle
le labyrinthe est sous ses pieds.
Paysage inconnu : le plus aimé de tous.
On avait rempli des papiers toute la matinée
pour que ce qui ne va pas
soit tout de même supportable.
Et les étoiles riaient
au-dessus de nos signatures hésitantes.
Les gens aussi sont des paysages
intérieurs ou absents.
Les gens existent
donc la souffrance existe.
Nous avons éteint la radio
et nous avons porté nos noms
vers d’autres étoiles.